CHCL : Quand les Revendications Étudiantes Sont Réprimées
Le Campus Henry Christophe de Limonade (CHCL), une annexe de l’Université d’État d’Haïti (UEH), est le théâtre de grandes tensions entre étudiants et administration. Depuis quelques mois, les voix des étudiants se sont élevées pour dénoncer des conditions de vie et d’étude qu’ils jugent inadmissibles. En réponse, l’administration a pris des mesures disciplinaires strictes contre plusieurs étudiants, ce qui a notamment aggravé un climat déjà tendu.
Depuis plusieurs années, les infrastructures du Campus Henry Christophe de Limonade se détériorent à un rythme inquiétant. Ce campus, autrefois marque d’espoir pour la jeunesse de la région, se trouve aujourd’hui dans un état de déclin avancé. Des étudiants de diverses facultés, qu’il s’agisse des Sciences de la Santé, de la Géographie ou de l’Informatique, s’accordent à dire que les conditions sur le campus sont devenues intenables. L’un des problèmes les plus flagrants est la situation des dortoirs inachevés, qui laisse de nombreux étudiants sans logement adéquat, ce qui oblige certains d’entre eux à payer des loyers exorbitants pour des logements privés dans la région. De plus, les salles de classe sont vétustes, les équipements pédagogiques quasi inexistants, et les sanitaires dans un état d’insalubrité constante.
« Il faut de la bravoure pour oser fréquenter les infrastructures sanitaires du campus. On ne sait même pas à quoi s’attendre, » témoigne un étudiant en Informatique. Ce dernier, comme beaucoup de ses camarades, préfère rentrer chez lui en cas d’urgence, car les toilettes du campus ne sont tout simplement pas utilisables. Les conditions sanitaires déplorables, l’absence de services de base comme la cafétéria ou une bibliothèque bien fournie, et l’état délabré des bâtiments affectent non seulement la qualité de vie des étudiants, mais aussi leur moral et leur capacité à se concentrer sur leurs études.
Au-delà des infrastructures, les étudiants dénoncent également l’absence d’une gestion efficace des ressources. Selon eux, le conseil de gestion actuel ne montre aucune volonté d’améliorer les choses, ce qui a conduit à une grande frustration parmi la communauté étudiante. Cette situation a atteint un point de rupture lorsqu’une décision de l’administration de sous-louer des locaux universitaires à une organisation privée a été perçue comme une trahison de la mission académique de l’université. « C’était la dernière goutte nous forçant à faire ressortir tout ce qu’on était obligé à garder en nous, » déclare un étudiant qui souhaite garder l’anonymat.
Les critiques des étudiants ne s’arrêtent pas à la gestion des infrastructures. Une autre revendication majeure concerne la légitimité du conseil de gestion actuel du campus, dont le mandat est expiré depuis plus d’un an, selon les étudiants. Ils réclament des élections pour élire un nouveau conseil qui, espèrent-ils, serait plus à l’écoute de leurs besoins et de leurs préoccupations.
Cependant, face à ces revendications, l’administration n’a pas répondu par le dialogue, mais par la répression. Plusieurs étudiants ont été sanctionnés pour avoir participé à des manifestations ou pour avoir « envahi » des locaux académiques. Les sanctions prises incluent des interdictions d’accès au campus pour des périodes allant de six mois à deux ans, ainsi que la suspension de tous les services académiques et administratifs. Ces mesures sont perçues comme disproportionnées par de nombreux étudiants, qui y voient une tentative claire de museler toute forme de contestation.
« On n’a reçu que des menaces en réponse à nos demandes, » explique un étudiant en deuxième année de licence. Ce climat de répression est exacerbé par ce que certains étudiants décrivent comme des attitudes autoritaires et méprisantes de la part de certains responsables du campus. « Les membres de l’administration fonctionnent comme des fuyards, ils ne passent qu’un laps de temps au campus et s’enferment dans leurs bureaux, » confie un étudiant en Sciences de la Santé, ajoutant que cette distance et ce mépris aggravent encore les tensions.
Face à cette situation, les étudiants ont multiplié les tentatives pour attirer l’attention de l’administration sur leurs conditions de vie et d’étude. Ils ont organisé des manifestations, rédigé des pétitions, et cherché à entamer un dialogue avec les responsables du campus. Toutefois, ces efforts ont souvent été ignorés ou réprimés.
« Je pense qu’on ne devrait plus rechercher du dialogue avec eux. S’ils le voulaient, on ne serait pas arrivé jusqu’ici, » affirme un étudiant désabusé. Le sentiment que le dialogue est impossible est partagé par beaucoup, qui considèrent que l’administration actuelle n’a ni la volonté ni la capacité de répondre de manière constructive aux problèmes soulevés par les étudiants. Cette situation a conduit à une radicalisation progressive des positions des étudiants, certains allant jusqu’à demander la démission immédiate du conseil de gestion.
D’autres étudiants, tout en soutenant les revendications, plaident encore pour une solution pacifique et négociée. Un professeur, qui adhère aux revendications des étudiants, met en garde contre les risques de cette escalade. « Je pense que les deux parties doivent se retrouver autour d’un dialogue sans souci de dénonciation ni d’autoritarisme. L’image du Campus doit être le dénominateur commun, » prévient-il.
L’administration du campus, pour sa part, se défend en affirmant que les sanctions prises sont justifiées par la nécessité de maintenir l’ordre et le bon fonctionnement des activités académiques. Selon elle, l’envahissement des locaux académiques et la perturbation des cours sont des actes graves qui menacent la stabilité de l’institution. Toutefois, cette position est contestée par de nombreux étudiants et professeurs, qui estiment que les mesures disciplinaires sont excessives et qu’elles n’ont fait qu’envenimer une situation déjà difficile.
En outre, plusieurs erreurs administratives ont été relevées dans les documents officiels, semant le doute sur la légitimité des sanctions. Par exemple, certains étudiants ont souligné que les signatures sur les lettres de sanction sont identiques pour des responsables différents, ce qui remet en question l’authenticité de ces documents. D’autres pointent du doigt le directeur de l’École de Management de Limonade (EML), qui se voit attribuer dans les documents le titre de Doyen, alors qu’il a lui-même nié occuper un tel poste.
Ces incohérences administratives, combinées à la répression des voix dissidentes, jettent une ombre sur la gestion actuelle du campus. Elles renforcent le sentiment parmi les étudiants que l’administration est non seulement inefficace, mais aussi illégitime.
La situation actuelle au Campus Henry Christophe de Limonade est symptomatique d’un malaise plus profond au sein de l’Université d’État d’Haïti. Si l’administration ne prend pas rapidement des mesures pour répondre aux revendications légitimes des étudiants, la crise risque de s’aggraver, avec des conséquences potentiellement graves pour l’institution.
Pour de nombreux étudiants et professeurs, la solution passe par une refonte complète du conseil de gestion, la mise en place de nouvelles élections, et une véritable prise en compte des besoins de la communauté universitaire. « L’avenir de ce campus ne peut être assuré que si nous travaillons ensemble, dans un esprit de dialogue et de respect mutuel, » conclut un professeur. Sans cela, le Campus Henry Christophe de Limonade risque de sombrer dans une crise encore plus profonde, avec des répercussions durables sur la qualité de l’éducation en Haïti.
Alors que les tensions continuent de monter, il est impératif que toutes les parties impliquées reconnaissent l’urgence de la situation et agissent en conséquence. Les étudiants de Limonade, qui sont l’avenir du pays, méritent mieux que l’indifférence et la répression. Ils méritent une éducation de qualité, dans des conditions dignes, et un environnement où leurs voix sont entendues et respectées.
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