Alors qu’Haïti traverse une période de crises profondes marquée par l’insécurité, la pauvreté et l’instabilité politique chronique, il est essentiel de donner une voix à ceux qui, par leur expertise et leur engagement, s’efforcent de proposer des solutions concrètes. Dr. Andrale D. Jeanlouis, éducatrice et conférencière, partage dans cette interview avec HPost5 – son analyse des origines de ces défis et des moyens de mettre Haïti sur la voie d’un avenir meilleur.
James Fleurissaint : Dr Andale, Haïti traverse une période extrêmement difficile. Comment expliquez-vous la souffrance qui semble s’intensifier chaque jour ?
Dr Andale : La souffrance d’Haïti est le résultat d’une combinaison de facteurs historiques, sociaux, et politiques. Après avoir arraché son indépendance au prix de luttes sanglantes, Haïti n’a jamais reçu le soutien ou la reconnaissance internationale nécessaire pour se développer. Aujourd’hui, cette souffrance est amplifiée par l’instabilité politique, la corruption endémique, et l’indifférence globale.
James Fleurissaint : Parlez-nous de la situation actuelle. Comment se manifeste cette souffrance dans la vie quotidienne des Haïtiens ?
Dr Andale : La vie quotidienne en Haïti est marquée par la peur et le désespoir. Les gangs contrôlent les rues, imposant leur loi par la violence. Les citoyens se cachent, les enfants n’ont pas accès à une éducation stable, et les familles peinent à trouver de quoi se nourrir. Chaque jour est une lutte pour la survie, et l’espoir s’éteint peu à peu.
James Fleurissaint : Que peut faire le gouvernement haïtien pour sortir le pays de ce chaos ?
Dr Andale : Le gouvernement doit commencer par assumer pleinement ses responsabilités envers le peuple. Cela signifie combattre la corruption, rétablir la sécurité, et mettre en place des politiques qui favorisent la justice sociale. Il faut un leadership fort, visionnaire et intègre pour sortir Haïti de cette impasse.
James Fleurissaint : Vous mentionnez l’indifférence internationale. Pourquoi le monde semble-t-il si passif face à la crise haïtienne ?
Dr Andale : Il y a une fatigue internationale envers Haïti, un certain cynisme qui réduit nos problèmes à des clichés de « pays pauvre et instable ». Mais derrière ce silence, il y a aussi des intérêts géopolitiques et économiques. Malheureusement, les grandes puissances n’agissent souvent que lorsqu’elles peuvent tirer un bénéfice direct.
James Fleurissaint : Quel message adressez-vous à la communauté internationale ?
Dr Andale : Haïti ne demande pas de pitié, mais de la justice. Il est temps d’aller au-delà des promesses creuses et d’apporter une aide véritablement structurante. Le silence face à la souffrance d’un peuple entier est une forme de complicité.
James Fleurissaint : Et aux Haïtiens, tant ceux de la diaspora que ceux vivant au pays, quel appel leur lancez-vous ?
Dr Andale : Aux Haïtiens, en Haïti et dans la diaspora, nous sommes les descendants de Dessalines, de Catherine Flon, et de tous les grands héros qui ont combattu pour notre liberté. Notre fierté ne réside pas seulement dans nos symboles, mais dans nos actions quotidiennes pour défendre notre pays et notre dignité.
Dr Andale : Les gangs contrôlent de larges portions du territoire, empêchant les citoyens de vivre en sécurité. Les marchés ne fonctionnent plus correctement, les écoles ferment, et les hôpitaux manquent de ressources. La faim est omniprésente, et de nombreux Haïtiens vivent sans accès à l’eau potable ni à des infrastructures de base. Cette souffrance va bien au-delà des statistiques : elle s’inscrit dans chaque regard, chaque famille qui lutte simplement pour survivre.
James Fleurissaint : Où se situe la responsabilité du gouvernement haïtien dans cette crise ?
Dr Andale : Le gouvernement haïtien porte une responsabilité immense. Son rôle est de protéger et de servir le peuple, mais il semble paralysé, voire complice de certaines dynamiques destructrices. Le manque de leadership, l’incompétence administrative et la corruption ont plongé le pays dans un chaos qui aurait pu être évité avec une gouvernance forte et éthique.
James Fleurissaint : Et la communauté internationale ? Peut-elle être tenue responsable de son inaction ?
Dr Andale : Absolument. La communauté internationale a toujours regardé Haïti avec condescendance, souvent comme un problème à régler à minima plutôt qu’une nation à soutenir durablement. L’aide humanitaire, bien qu’importante, est insuffisante et mal coordonnée. Pire encore, l’ingérence internationale dans les affaires d’Haïti a souvent aggravé la situation au lieu de l’améliorer. Leur silence et leur inaction actuelle relèvent d’une complicité morale.
James Fleurissaint : Que faudrait-il pour que cette situation change, à la fois sur le plan local et international ?
Dr Andale : Sur le plan local, il est impératif de restaurer l’état de droit et d’assurer la sécurité. Cela implique de démanteler les gangs et de combattre la corruption à tous les niveaux. La société civile doit aussi être impliquée dans la reconstruction du tissu social et économique du pays. Sur le plan international, il faut un engagement sincère et respectueux, avec des investissements dans les infrastructures, l’éducation et la formation, plutôt qu’une simple distribution de l’aide humanitaire.
James Fleurissaint : Que diriez-vous aux Haïtiens de la diaspora qui, parfois, se sentent impuissants face à la situation ?
Dr Andale : La diaspora a un rôle crucial à jouer. Elle représente une force économique, intellectuelle et culturelle importante. Même depuis l’étranger, chaque Haïtien peut contribuer, que ce soit par l’éducation, le plaidoyer ou le soutien financier ciblé. Plus important encore, la diaspora doit rester connectée à ses racines et faire entendre la voix d’Haïti sur la scène internationale.
James Fleurissaint : Vous mentionnez souvent l’esprit de Vertières. Pourquoi cet épisode historique est-il si central dans votre discours ?
Dr Andale : Vertières représente l’unité, le courage et la résilience d’un peuple face à l’oppression. Nos ancêtres ont mis de côté leurs différences pour vaincre une puissance coloniale. Cet esprit doit être notre guide aujourd’hui. Si nous retrouvons cette unité, nous pourrons relever Haïti de ses cendres.
James Fleurissaint : Un dernier mot pour conclure ?
Dr Andale : Haïti ne demande pas de pitié. Ce pays, riche en histoire et en culture, réclame justice et respect. À nous, Haïtiens, de raviver la flamme de la fierté nationale et d’agir avec solidarité. À la communauté internationale, de reconnaître ses responsabilités et de soutenir un peuple qui mérite mieux que l’oubli. Le moment d’agir, c’est maintenant.
Propos recueillis par :
James Fleurissaint
jamessy12@yahoo.fr
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