Carline Irantus, une pionnière de l’art culinaire haïtien en France.
L’histoire de la gastronomie haïtienne en France est celle d’un art venu d’outre-Atlantique, porté par l’exil, les saveurs de l’enfance et la volonté farouche de transmission. Longtemps restée dans l’ombre des grandes cuisines exotiques présentées comme plus « accessibles », la cuisine haïtienne a connu une lente, mais profonde percée dans les cercles diasporiques, avant de s’ouvrir au grand public.
Dans les années 1980 et 1990, la présence haïtienne en France s’intensifie, notamment à Paris et dans les grandes métropoles. La cuisine reste alors essentiellement domestique, partagée entre familles ou dans quelques événements communautaires. Les plats emblématiques diri djon djon, griyo, soup joumou, tassot, lalo s’invitent dans les fêtes, mais rarement dans les vitrines gastronomiques visibles.
C’est dans les années 2000 que s’opère un changement. Plusieurs Haïtien.ne.s osent transformer leur savoir-faire en entreprise, en traiteur ou en restaurant. C’est dans ce contexte qu’émerge Carline Irantus, que beaucoup considèrent aujourd’hui comme une pionnière de l’art culinaire haïtien en France.

Formée à la rigueur et portée par une vision claire : valoriser la cuisine haïtienne comme un patrimoine culturel et non comme une simple cuisine de rue ou de fête, Carline Irantus développe dès le début des années 2000 une approche à la fois authentique et créative. Elle ne se contente pas de reproduire les recettes traditionnelles, elle les enrichit d’un regard contemporain, en respectant les produits locaux, les enjeux diététiques et la présentation gastronomique. Elle introduit une esthétique culinaire dans les assiettes haïtiennes, y apportant une touche française sans dénaturer l’âme créole.
Au-delà de son engagement dans la transmission des saveurs haïtiennes, Carline Irantus a su marquer l’univers gastronomique français par ses réalisations concrètes et prestigieuses. Elle est membre des Toques de France et des Disciples d’Escoffier, deux institutions qui incarnent l’excellence et la tradition culinaire française. Ces reconnaissances, rares pour une cheffe d’origine haïtienne, témoignent de la rigueur, de la créativité et du professionnalisme qu’elle incarne. Elle participe également depuis plusieurs années au Village International de la Gastronomie, un événement d’envergure qui rassemble les cultures culinaires du monde entier au pied de la Tour Eiffel, à Paris. Carline y défend avec fierté les couleurs d’Haïti, faisant découvrir aux curieux comme aux fins palais les richesses gustatives de son île natale.
Si l’art culinaire haïtien reste encore peu représenté dans les grands circuits gastronomiques français, l’élan impulsé par Carline Irantus a ouvert une voie d’expression, de visibilité et de légitimité. Derrière chaque marinade, chaque épice, chaque griot croustillant se cache une mémoire, une lutte et une poésie : celle d’un peuple qui résiste, se recrée et se raconte à travers ce qu’il met dans son assiette.
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