Timoun se moun : quand ACTIF tire la sonnette d’alarme

ACTIF vient de lancer la deuxième édition de son concours de poésie « Timoun se moun » afin de poursuivre son plaidoyer pour la reconnaissance des enfants comme personne à part entière. Le concours est ouvert exclusivement aux haïtien-ne-s résidant en Haïti et ayant minimum 18 ans. Les participants ont jusqu’au 18 juillet pour soumettre leur texte. Dans la foulée, ils devront attendre le 15 aout pour les résultats partiels du concours et le 30 aout pour les résultats finaux.

Le pays sombre. On s’en inquiète tous, mais il faudrait encore se demander si le peuple réalise véritablement la gravité de la situation. Nulle société ne saurait miser sur un avenir radieux si l’épine dorsale de la nation est livrée à elle-même, soumise à la furie de la machine infernale qui extermine l’innocence et portant atteinte aux droits fondamentaux des enfants à s’épanouir. Une urgence qui devrait interpeller plus d’un, mais qui laisse de marbre certains organes auxquels il échoit la responsabilité de veiller sur les intérêts de la nation. Le chaos n’a plus besoin de se travestir. Il n’a nullement besoin de masque ou de vils stratagèmes pour s’en prendre au quotidien. Il règne. Il rythme le quotidien, édicte l’expression des nuances sombres et nauséabondes qui composent le tableau de la vie.

Le chaos a besoin d’un lieu de prédilection. Il façonne le décor en puisant dans ses racines ténébreuses les expédientsnécessaires à sa survie. Ainsi la peur devient la norme et apaise toute inclination à soulever des questions à même de remettre en question ce qui dérange. Il a un ennemi redoutable : le courage ; et craint un adversaire de taille : le savoir. Dans ces contrées où il étend ses tentacules maléfiques, il phagocyte la subversion. Au moindre soupçon de résistance, une nouvelle forme de peur s’érige. Dans ce schéma sinistre sombre l’avenir au présent. On y assiste et on ne s’en rend pas compte. Pas toujours… L’avenir s’effrite dans les détails. Il meurt dans la somme de l’imposant tribut qu’impose l’ignorance. Il n’en demeure désormais qu’une évidence : si rien n’est fait, le malheur devient inéluctable. Pourtant il existe bien des voix qui s’élèvent, des doigts qui désignent la tumeur à extraire.

« Timoun se moun, timoun se pa manje leta ! » martelait Ruthza Paul dans son texte lors de la première édition du concours de poésies sur les droits de l’enfant organisé par ACTIF. Ce texte lui vaudra une reconnaissance exceptionnelle auprès du jury, synonyme de sacre pour la jeune femme originaire de Leogane. Dans cette œuvre d’une insondable sensibilité, elle expose sans broncher l’indécence de ceux qui délaissent leurs responsabilités. Elle oriente le discours et la réflexion sur les droits de ces êtres qui confrontent le malheur au quotidien dans le décor sordide imposé par le chaos. Mais face à un système en défaillance qui dispose toutefois de moult canaux pour distiller son poison, on comprend assez rapidement qu’une seule voix se fait happer dans les profondeurs des abysses creusées sciemment pour engloutir la lumière. Et puisqu’il ne faut jamais laisser au chaos le luxe de prospérer dans le champ fertile du silence complice, on réitère les actes de résistance, on multiplie les canaux d’expressions destinés à dénoncer.

Au début, on rencontre un succès mitigé. La progression est souvent mise à mal par les agents du chaos qui disposent de moyens et de pouvoir pour pervertir, détourner l’attention et amplifier le mal croissant. Mais on se rend compte surtout qu’une raie de lumière perce difficilement dans l’épais manteau de la nuit. On repère ces voix qui dénoncent et ces doigts qui indexent. On découvre ces acteurs qui s’engagent et ces citoyens qui refusent catégoriquement de pactiser avec le chaos et qui, faute de pouvoir l’anéantir promptement, s’emploient à ralentir ses manœuvres belliqueuses, dérouter son influence néfaste et rediriger la force de la vie vers les horizons de l’espoir.

ACTIF, Action Communautaire de Transformation et d’Intégration Formelle, est une organisation haïtienne, à but non lucratif, apolitique et non confessionnelle qui entend appuyer les citoyens dans leur lutte pour la jouissance effective de leurs droits. Anti conformiste, visionnaire et dynamique, elleembrasse la mission de fournir aux enfants et aux jeunes les ressources nécessaires au développement de leur potentiel pour la réalisation de leurs droits. ACTIF intervient et développe son expertise dans la promotion de l’éducation de base, la défense et la protection des droits de l’enfant, le développement local et la réponse aux urgences. Timoun se moun est l’une de leurs dernières initiatives visant à promouvoir leur plaidoyer en faveur des droits de l’enfant. L’importance d’un tel concours dans le contexte du climat délétère qui sévit dans le paysage haïtienn’est même pas à prouver. Les faits sont là, juchés sur les épaules de l’évidence. Et la littérature, elle, n’a jamais failli face à l’histoire ! Aucune époque n’a su museler sa voix qui résonne entre les quatre murs du temps. Libre, tranchante, elle découpe la vérité dans l’abat-jour des doutes et impose la réalité sous les regards austères. Elle transperce l’âme et met à nue la quintessence de la vie. Elle rappelle à l’ordre, ébranle les connivences, sonde les convictions, harangue l’humanité. Elle permet d’être et situe l’être ; elle l’arrache à la fange pour l’élever vers ses plus nobles aspirations. Dans toute l’histoire, elle a été l’un des plus importants témoins du voyage à la fois candide et sordide de la société. A l’instar d’un diapason, elle a permis de situer là où cela sonne faux.

Haïti fait face à l’une des pires crises de son histoire. Il s’agit de la conséquence directe d’un déséquilibre en amont dans la gouvernance. Cela témoigne notamment de l’absence flagrante des valeurs dans les paramètres qui régulent les prises de décisions qui devraient servir pourtant à orienter le pays sur la voie du développement durable. Timoun se moun n’est pas un concours dont l’objectif principal est de rappeler que les enfants sont des humains. C’est une campagne cruciale pour soulignerque les enfants ne peuvent devenir humains dans une société où ils ne sont point perçus comme des personnes à part entière. Il était temps de tirer la sonnette d’alarme. ACTIF a su démontrer encore une fois sa lucidité et son expertise face un cas épineux.

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