Petite note enfantine
“Le poète garde, contre vents et marées, son âme d’enfant ; il contemple les banalités et en fait des images.”
D’après François Mauriac, l’adulte abêtit son ignorance. À l’âge adulte, on ignore qu’on était tous des enfants. Des humains-faences à protéger, à chérir par les moyens du vivre. Dany Laferrière, lui, nous a dit de rester toujours enfant, c’est-à-dire de ne pas jeter notre sensibilité par terre, de rester attentif aux merveilles du monde. D’ailleurs, c’est peut-être ce qui explique la force de son engagement à l’ONU, lorsqu’il a déclaré qu’il était là « pour leur faire penser à leur enfance ». Ceux qui font la guerre sont souvent des adultes qui ne veulent plus rester enfants.
Il faut le dire : l’enfance n’est pas la même pour tout le monde. Certains ont vu la leur brûler ou voler par des adultes. D’autres ont connu une enfance poussiéreuse, heureuse, ou une enfance qui grossit l’image de la violence, c’est-à-dire qui n’a été ni heureuse ni malheureuse. Qui plus est, certains n’en ont jamais eu, même à 50 ans. À un certain moment, il faut retrouver son enfance, la rattraper.
Tout poète ralentit sur son enfance — c’est peut-être ce qu’il fait —, et tout souvenir devient un outil de travail dans l’atelier de la poésie. Le poète garde, contre vents et marées, son âme d’enfant ; il contemple les banalités et en fait des images. C’est cela, le travail ultime du poète : manier les mots comme un enfant qui joue aux osselets et jongle. En poésie, nous sommes tous des enfants, soumis aux mots et à l’émerveillement. Si l’on revient à établir un rapport entre l’adulte et l’enfant, c’est dans le manque de souci qu’a l’adulte de prendre plaisir, de rire et d’aimer les autres dans la plus pure forme d’innocence : l’enfance.
Toujours Rester Enfant?
L’adulte devient dangereux lorsqu’il perd ce qu’il devrait garder : son enfance. Cette perte est fragile. Elle se manifeste dans les actes. Aimer comme un enfant, c’est se laisser guider par une âme sensible.
Philippe Barthélémy
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