La littérature du clientélisme

 

« On peut être dans la littérature et ne rien savoir de la littérature. »

Comme bien d’autres sphères de la société haïtienne, le secteur littéraire n’échappe pas à la logique des cercles fermés, du clientélisme intellectuel et de l’exclusion. Si la littérature haïtienne a produit des figures remarquables et des œuvres majeures, force est de constater qu’une partie de ce milieu est aujourd’hui accaparée par un petit groupe qui prétend en détenir la légitimité absolue, sans pour autant faire preuve d’une profondeur réelle ni d’une volonté d’ouverture.

On observe une centralisation de la reconnaissance littéraire autour de quelques noms, souvent les mêmes, qui circulent dans les prix, les résidences, les festivals et les maisons d’édition. Ces acteurs – parfois sans réelle maîtrise théorique ou profondeur de contenu – jouent les gardiens du temple. Le plus inquiétant reste cette tendance à confondre réseautage, présence médiatique et mérite littéraire.

Comme le soulignait Lyonel Trouillot : « On peut être dans la littérature et ne rien savoir de la littérature. » Ce propos traduit bien l’imposture intellectuelle de certains acteurs du milieu, dont la légitimité est plus sociale qu’intellectuelle.

Dans un pays où l’accès à la lecture est encore limité, où l’école peine à transmettre le goût des lettres, il est légitime de se demander : qui décide de ce qui est littérature ? Au nom de quoi certains s’autoproclament-ils autorités du champ littéraire ? Ne serait-il pas temps de repenser nos cadres, d’ouvrir la scène à d’autres voix – rurales, populaires, jeunes – loin des cénacles élitistes de Port-au-Prince ?

Par John Peter Stinvil

 

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