“Hariprasad Chaurasia” une trilogie poétique signée par Adelson Elias

Le silence s’est tu, tel un poème, si l’on veut emprunter le génie de Witerwan Jean, et s’est tendu entre souffle et matière. Dans cette trilogie poétique, Adelson Elias, l’un des poètes — mentors du Renouveau, déploie un chant grave et limpide où la flûte, la paille et le feu dialoguent sur les vestiges du non-dit. Ces trois mouvements poétiques ne portent pas seulement le bruissement de la flûte indienne, ils chantent le poids d’une beauté fragile du paysage haïtien et le fardeau silencieux de l’ordinaire. Une poésie d’artisan, modeste et souveraine, à lire sur HPost5.

I.

tout ce que j’habite :
désert

ta flûte connaît le poids
du sable

elle m’a offert un
ciel
d’eau un lent fleuri
de souffle pour protéger
la coulée
de ce qui ronge

j’entends depuis
courir
les ciseaux de ses battements
dans le tissu des
lierres

Hommage à la flûte de « Hariprasad Chaurasia »

II.

c’est
le respect du jonc
coupé
naguère posé brillant
bien fraîchi
par la tendresse humide du marais

__respect du latanier
qui allait
son or jaune
ou alors son vert clair tranquille parmi le
bétail l’eau muette
du granit

___du bambou taillé
ras
auquel il ne reste
plus rien pour une
amitié
même blessée avec un
ramier
ou un ortolan

l’artisan se doit de bien faire
sa natte
sa petite chaise
son panier d’osier
son poème

III.

le poème se verra un jour
sommé
de répondre de l’incendie
dont il est conteur
et qui va son grand excès de rouge
dans le mot four
__du trop propre d’un évier pot à propane
et autres pots pas toujours tout à fait bien bleus
d’eau
à côté du mur rose

le poème se verra un jour
sommé
de répondre
de s’être occupé tant d’années
de rayés de chênes d’usés de table à manger de sièges (si voiture) à refaire épuisés par l’usage…

en somme du poids
qui fait liens des murs qui font vivre

il accomplit entre temps sa tâche :
glaner bleus mais suffisamment
pour restituer ses
battements
à la pomme des choses

Lecture critique

Adelson Elias, grand sculpteur et artisan des mots, peint avec délicatesse une poésie de la matière et de la mémoire. Sa poésie s’attarde sur les traces du monde – un souffle de flûte chanté en hommage au paysan flûtiste indien, une chaise en bambou, un mur rose – pour créer une voix poétique discrète et orageuse. Des vers tissés à la main se resserrent autour d’images contemporaines, convoquant à la fois le paysage haïtien, l’humble acte de création et une méditation sur la responsabilité du poème face à la vie. Une poésie qui refuse l’oubli et pose un regard habité sur chaque sujet.

À propos de l’auteur

Adelson Elias a publié « Ossements ivres » en 2019 chez Bruno Guattari. Éditeur et « Limbes qui tremblent suivi de Adlyne de sel et d’eau » en 2020 aux éditions Floraison en Haïti. Son troisième recueil vient d’être annoncé bientôt aux éditions Recto-Verso. “Ses textes inscrits dans une veine surréaliste, qui peuvent se lire comme les perles d’un même collier, abordent des thèmes comme l’amour, la mort, le désir, le paysage enivrant de Haïti…

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