D’horreur et de sang
Le viol est une chose, vivre avec en est une autre…
En scrollant sur Facebook un de ces samedis, je suis tombé sur une vidéo qui semblait faire suite à une autre. Ou plusieurs autres. Je ne sais pas trop. Il était question d’un homme qui racontait son périple du Chili aux États-Unis d’Amérique, passant par la forêt. Dans ce voyage, l’horreur vous suit de près, raconte-t-il. On dit que des hommes et des femmes y sont braqués et violés. L’autre issue n’est que la mort. Pour ce qui est de cet homme, auteur de la vidéo, sa femme en appui juste à côté de lui, terrifiante est l’histoire. Au même moment où sa femme gémissait de douleur, en levrette au bout du sexe des assaillants, il tonitruait la forêt de son cri, étant dans la même position, torturé par le même engin.
Tu vois, l’horreur, elle se présente et ne s’explique pas.

À l’assaut de la forêt du Darien, des Haïtiens en quête du rêve américain — Copyright: Sud Ouest
Sur le même sujet, il y a quelques jours, j’écoutais sans trop le vouloir le témoignage d’une dame disant avoir été violée plus de quatre fois sur la route. Elle avait perdu le bracelet que les criminels sexuels utilisent en guise de marque. Aucune preuve d’avoir déjà eu son tour : rebonjour la baise forcée ! Autre conséquence pour elle : un bébé de quatre mois qui n’aura jamais connu la couleur du jour. L’horreur, à ce qu’on entend, ça te prend par les tripes et ne te relâche plus. Qu’importe la force que tu te procures pour crier. Qu’importe où tu fuis.
Des récits de viol et d’agression sexuelle, j’en connais plein. J’en ai pleuré plus d’un. Ce n’est pas ce qui manque dans un pays où cela prend de l’ampleur, non seulement à cause de la montée vertigineuse de l’insécurité, mais également par vice, par mégarde, parce que ce virus non détectable se manifeste en temps voulu en se servant du corps qui le porte. Et cela peut être n’importe qui. Un père. Un frère. Un oncle. Un cousin. Un voisin. Un professeur. Un directeur. Un patron. Un camarade. Un collègue. On pourrait y passer la nuit.
Dans tout ça, le témoignage de l’être gaspillé, dans le sens haïtien du terme, n’est jamais chose aisée. Qu’en est-il des hommes ? Mesure-t-on le courage qu’il faut à un homme pour mettre à nu un viol subi ?
Quand on viole, on ne pulvérise pas qu’un corps. On pénètre un esprit. On détruit une histoire. On piétine une lumière. On souille une mémoire. On s’octroie, de la manière la plus égoïste qui soit, une éternité venimeuse dans les souvenirs de l’autre.

« Ann ale! »: les migrants haïtiens à l’assaut du Darien — Copyright: Le Nouvelliste
Du courage, il en a fallu à ces gens pour pointer l’horreur en plein jour. Mais combien demeurent pétrifiés dans le silence ? Combien en font encore plein de cauchemars ? Combien attendent leur mort avec impatience, les images de ce moment noir prévoyant de les terroriser à vie ? Combien glissent vers la mort certaine, lente, sans en avoir parlé ? Combien rêvent d’en parler sans jamais se procurer le courage du premier pas ?
En somme, des milliers de personnes ayant traversé la forêt en quête d’une vie meilleure, il ne reste que cicatrices et traumatismes ambulants.
L’humanité n’est qu’une blessure imposante qu’on croise à chaque coin de rue.
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