Avec le cœur, sans raison

« Jamais je n’ai aimé comme je t’aime. Avec le goût du risque, mais je ne saute pas. La flamme dans les entrailles, je ne donne pas à voir que je brûle. Tu crois que je n’ai plus aucune peur, vu que je n’en parle point […] »

En amont, les filles ont commencé à fustiger. Remue-ménage sur la toile. Nous ne recevrons rien en cadeau pour la journée des petites amies, qu’elles clament. Certaines, avec tout ce qu’elles recèlent d’humour. D’autres, avec un regret réel. Indignées. Touchées dans leur ego. D’autres encore reprennent des mots que toutes prononcent juste pour suivre la tendance.

Le monde ne se gêne pas pour nous briser les couilles. En un tournemain, il t’invente un prétexte pour mettre deux camps à couteaux tirés. Le pire, c’est que ceux qui tombent dans le piège ne manquent jamais.

Loin de moi le désir d’être conventionnel. D’honorer une journée dont je ne sais nullement l’origine. J’aurais dû t’écrire il y a longtemps. Libérer mon cœur de ses ombres. Te dévoiler pourquoi, depuis toi, il a avalé le soleil.

J’aurais voulu qu’on se rencontre dans une autre vie. Moi, entier. Toi, immaculée ou guérie.

Le destin, bien que je m’efforce de ne pas y croire, en a décidé autrement. On ne s’est pas rencontrés dans les meilleures circonstances. Moi, brisé sans pouvoir le cacher. Toi, émiettée avec du talent pour le cacher. Le malheur dans l’âme. Le drame épiant partout. Ta vie est un film d’horreur que toi-même tu redoutes de visionner. Je me souviens encore de tes premiers mots : « Relève-toi et offre au monde ton plus beau sourire. » Tu t’es attaquée d’entrée à la plaie. J’ai fait comme j’ai pu. Et aujourd’hui, elle n’est qu’une somptueuse cicatrice qu’arbore le temps.

Je ne regarde plus en arrière. Toi, si. Le passé te colle pour des raisons bien plus atroces que moi. N’en parlons pas. Il n’est pas bon de tirer lèt malheur de sa torpeur. Avec toi, le temps a failli à son devoir de tendresse. Il n’y a pas eu de bleu. La vie t’a pris des choses qu’elle ne te rendra jamais. Pardonne-moi de ne pas pouvoir mesurer l’étendue de ta blessure. D’être impuissant face à elle. Comme tu sais, je n’ai que des mots. Inutile de te dire qu’ils ne peuvent pas tout.

Je croyais ne plus pouvoir aimer. Surtout pas une fille qui dit ce qu’elle pense à voix haute. Qui n’a peur de remettre personne à sa place. Impatiente. Rebelle. Bagarreuse. En voulant au monde. Je croyais foncer dans un mur. À l’horizon, tes reproches. Je n’arrivais pas à m’exprimer. Émotionnellement vide. Sentiments à l’envers. Le flou. Combien de fois ai-je pensé à te laisser partir ? Combien de fois me suis-je convaincu de ne pas être à la hauteur de tes luttes ?

Les démons ne te lâchent pas d’une semelle. Tu n’as que faire des anges te promettant le ciel. Que de jours noirs. Que de sang que tu n’éponges plus. Et moi, tout cela me précédant, j’ai appris à aimer l’insoumise en toi. Je ne sais par quel miracle on a fini par s’ouvrir. Toi la première. Moi, réticent de mon état, j’ai fini par céder. Me laissant aller au plus profond de toi, j’y ai découvert une femme au cœur d’enfant. J’aime désormais chaque millimètre des contrées les plus sombres de toi.

La vie que je m’imaginais demeure à mille lieues de moi. Je me suis rendu compte que j’avais tort de l’imaginer. La vie a le don de s’écrire seule. Sans solliciter d’aide. Nous ne sommes que pièces de son puzzle. Je ne rêve plus d’éternité. Je ne conjugue plus l’amour au futur. Tu ne parles pas de bague. D’enfants. Même si j’en rêve. La colocation repoussée à plus tard. Mais très tard. J’accepte tout ce qui vient de toi. J’ai surpassé mon plafond de tolérance. Au fait, l’amour se doit-il toujours de se courber à des principes ? Doit-il toujours prendre sur lui de respecter des limites ?

Jamais je n’ai aimé comme je t’aime. Avec le goût du risque, mais je ne saute pas. La flamme dans les entrailles, je ne donne pas à voir que je brûle. Tu crois que je n’ai plus aucune peur, vu que je n’en parle point. Comme tu as pu le remarquer, je suis un homme de prudence, et c’est ce qui me conduit à ma perte.

Gardes-tu dans le creux de ta main ce grain de folie qui me fait défaut ? Si oui, qu’attends-tu pour le lâcher ?

CP : CLZ

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