Impact des cycles menstruels sur la qualité de vie des femmes
Les règles demeurent une expérience complexe pour les femmes du monde entier et particulière pour chacune d’entre elles. En Haïti, la gestion des cycles menstruels est encore largement considérée comme taboue. Pourtant, elle représente un enjeu crucial pour la qualité de vie des femmes. Alors que les débats mondiaux s’intensifient sur l’accès aux produits menstruels et l’éducation sur la santé menstruelle, la réalité haïtienne est marquée par de nombreux défis. HPost5 explore les répercussions physiques, émotionnelles et économiques, sociales et culturelles de cette période sur la vie des femmes haïtiennes.
Les expériences menstruelles, influencées par divers facteurs tels que l’âge, le lieu de résidence, la profession et les conditions de vie, varient grandement d’une femme à une autre. Gabriella J. G., ingénieure en télécommunications de 27 ans vivant en milieu rural, partage son vécu. Pour elle, les menstruations sont simplement une partie de la vie. Bien qu’elle ressente des symptômes désagréables comme des crampes abdominales, des sautes d’humeur et des douleurs lombaires, elle affirme que ses règles n’ont jamais entravé sa capacité à accomplir ses tâches quotidiennes. « Ils sont présents, mais n’affectent pas mon quotidien », précise-t-elle.
En revanche, pour Dgynie-Flore Florvil, infirmière à Léogâne, les menstruations ont parfois un impact direct sur son travail. « Quand j’ai de fortes douleurs au boulot, je dois laisser un dossier inachevé pour rentrer chez moi », confie t-elle. Avec des cycles irréguliers et des douleurs menstruelles, elle a dû s’absenter du travail à plusieurs reprises. Le coût des serviettes hygiéniques est également une préoccupation majeure pour elle. C’est une part de son budget estimée à 500 gourdes par mois qui s’alourdit continuellement avec la hausse des prix.
Ericca Lagrandeur, agronome vivant sur l’île de La Gonâve, partage une expérience marquée par des symptômes prémenstruels sévères. Ces derniers affectent non seulement son bien-être physique, mais aussi sa vie sociale et professionnelle. Comme elle le souligne, trois jours avant l’arrivée de ses règles, elle se sent déjà » désagréable et insupportable « . Ce qui la pousse parfois à travailler à distance pour éviter tout contact humain.
L’accès aux produits menstruels reste un défi pour de nombreuses femmes en Haïti, en particulier dans les zones rurales. Leur disponibilité est souvent limitée, ce qui oblige les femmes à improviser en fonction de leur localisation. Ericca Lagrandeur explique qu’elle a appris à toujours garder des serviettes hygiéniques sur elle, en raison de l’irrégularité de ses cycles et de la difficulté à en trouver en dehors des grandes villes. « J’ai souvent mes règles en avant la date prévue. Dans ces cas-là, je peux vraiment avoir du mal à en trouver, selon où je me trouve. J’ai pris l’habitude à en mettre dans ma trousse », explique la militante féministe.
Le coût des produits menstruels est également un sujet de préoccupation majeur. Guetine Sénateur, éducatrice de formation et psychologue, alloue 250 gourdes par mois à ces produits menstruels. Un budget qui peut sembler minime mais qui représente une part importante des dépenses d’une femme vivant dans la précarité. L’idée d’une » taxe rose » sur ces articles suscite un débat important. Plusieurs femmes questionnées par HPost5 expriment le souhait de voir ces taxes supprimées pour rendre le prix abordable.
Les douleurs menstruelles et les symptômes prémenstruels, bien que fréquents, ne sont pas uniformément ressentis. Pour certaines, comme Gabriella J. G, les symptômes ne constituent pas un frein à leur productivité. Toutefois, d’autres, comme Guetine Sénateur, doivent souvent se replier dans leur lit en raison de douleurs intenses, affectant leur mental et leur rendu.
Dgynie-Flore Florvil met l’accent sur l’aspect émotionnel des menstruations, faisant état d’une anxiété accrue pendant cette période. « Parfois, je suis anxieuse », nous avoue t-elle. Ce sentiment est exacerbé par le manque de soutien et la stigmatisation associée aux règles dans la société haïtienne, où ce sujet reste largement tabou.
L’éducation sur la santé menstruelle est un aspect crucial qui, selon celles qui ont répondu à nos questions, reste négligé en Haïti.
Duliana Paul cite des initiatives locales comme celles des organisations féministes, des ONG, et des projets tels que RÈGAyiti et Menstru’ELLE, qui jouent un rôle fondamental en ce sens. Dgynie-Flore Florvil, à travers son travail, s’est engagée dans des initiatives visant à briser les tabous autour des menstruations et à informer les jeunes filles sur la gestion de leur cycle menstruel. Elle a contribué à la mise en place de campagnes comme celle de » Goutte Rouge » à Léogâne, financée par PACIT, qui vise à sensibiliser les adolescentes et les jeunes femmes dans la même veine.
Cependant, le témoignage d’Ericca Lagrandeur, qui ne connaît que l’application Flo, met en évidence un déficit d’accès à ces ressources ou un défaut d’information. D’où l’importance de renforcer l’éducation sur les règles et l’accès aux produits menstruels pour améliorer la qualité de vie des femmes, tout en combattant les inégalités économiques.
Duliana Paul estime par ailleurs que les tabous culturels et le manque de ressources éducatives limitent l’accès à une information complète et précise, sur la gestion des cycles menstruels. « Pour améliorer la gestion de la santé menstruelle en Haïti, malgré la crise socio-politique et économique, il est crucial d’assurer l’accès aux produits menstruels via des initiatives locales et des subventions, d’éduquer les communautés pour lever les tabous, de renforcer les infrastructures sanitaires pour une meilleure hygiène et de soutenir psychologiquement les femmes et les filles », commente Duliana Paul.
Elle en profite pour faire appel à un plaidoyer en faveur de politiques inclusives et adaptées au contexte de crise en Haïti, soulignant la néçéssité de renforcer les infrastructures sanitaires pour une meilleure hygiène et de soutenir psychologiquement les femmes et les filles.
Nombreux sont les défis auxquels sont confrontées les femmes haïtiennes dans la gestion de leur santé menstruelle. Si certaines parviennent à gérer leurs règles sans que leur quotidien ne soit affecté, d’autres subissent des répercussions physiques et émotionnelles significatives.
Il est clair que la question des menstruations doit être abordée de manière plus ouverte et inclusive en Haïti. Cela passe par une meilleure éducation, la sensibilisation à grande échelle, la suppression des taxes sur les produits menstruels, et l’amélioration de l’accès à ceux-çi, notamment dans les zones rurales. Les initiatives comme Goutte Rouge, RÈGAyiti et Menstru’ELLE sont un pas dans la bonne direction, mais la route est encore longue pour que les menstruations ne soient plus un fardeau portées par les femmes haïtiennes, mais une composante naturelle de leur vie quotidienne, gérée avec dignité et sans stigmatisation.
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Djak Stevens François
Good job
1 commentaire